Quand on parle du monde arabo-musulman en France, un nom revient presque systématiquement: Gilles Kepel. Ce politologue, islamologue, enseignant et écrivain est devenu une figure incontournable dans la compréhension de l’islam politique, du djihadisme et des dynamiques sociales des banlieues. Mais qui est-il vraiment ? Pourquoi fait-il autant parler de lui ? Plongeons ensemble dans le parcours et les idées de ce penseur aussi admiré que controversé.
Qui est Gilles Kepel?
Son parcours académique
Gilles Kepel est né en 1955 à Paris. Très tôt passionné par le monde arabe, il se spécialise en arabe littéraire à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO). Après ses études, il intègre Sciences Po, où il entame une carrière d’enseignant-chercheur. Il obtiendra un doctorat en science politique avec une thèse sur l’islam en France, un sujet encore très peu exploré à l’époque. Son profil allie rigueur académique, immersion sur le terrain et réflexion intellectuelle.
Son rôle en tant qu’islamologue
Kepel ne se contente pas d’observer de loin : il va à la rencontre des communautés musulmanes, dans les cités, les mosquées, les écoles coraniques. Il étudie les mutations sociales et religieuses des quartiers populaires et tente de comprendre les ressorts du repli identitaire et de la radicalisation. À la croisée de la sociologie, de l’histoire et de la géopolitique, son approche est pluridisciplinaire.
Un intellectuel engagé
Loin de rester dans sa tour d’ivoire, Kepel intervient régulièrement dans les médias, participe à des débats publics, conseille des responsables politiques. Il n’hésite pas à dénoncer ce qu’il perçoit comme des aveuglements face à la montée du fondamentalisme. Certains le voient comme un lanceur d’alerte ; d’autres lui reprochent un ton trop alarmiste.
Ses œuvres majeures
“Les Banlieues de l’Islam”
Publié en 1987, ce livre est une véritable plongée dans les quartiers populaires où l’islam prend racine en France. À travers des entretiens, des observations de terrain, Kepel y montre comment la religion devient un facteur identitaire dans les zones urbaines sensibles. Ce fut un choc pour le grand public et une révélation pour le monde universitaire.
“Le Prophète et Pharaon”
Cet ouvrage de 1984 est une analyse historique des mouvements islamistes en Égypte, notamment des Frères musulmans. Il décortique les mécanismes de répression du régime égyptien et la résilience de l’islam politique. C’est un livre-clé pour comprendre les origines de l’islamisme contemporain.
Ses publications récentes
Parmi ses dernières œuvres, on peut citer “La Fracture” (2016) et “Le Prophète et la Pandémie” (2021). Ces livres mettent en lumière les tensions identitaires et religieuses qui secouent la France et l’Europe. Kepel y aborde des thèmes brûlants comme le terrorisme, les attentats, les réseaux salafistes et les politiques publiques.

Son analyse du terrorisme islamiste
La genèse du djihadisme moderne
Selon Kepel, le terrorisme islamiste s’inscrit dans une logique de guerre contre l’Occident mais aussi contre les musulmans dits “modérés”. Il parle d’une troisième génération du djihad, née après l’Afghanistan des années 80 et l’Irak des années 2000, plus insidieuse, plus numérique, plus implantée en Europe.
Sa lecture du salafisme et du radicalisme
Pour Kepel, le salafisme — notamment dans sa version quiétiste ou jihadiste — est le terreau idéologique de la radicalisation. Il explique que cette idéologie s’est infiltrée dans certains quartiers à travers des prédicateurs, des financements étrangers et des réseaux sociaux, créant une contre-société.
Ses avertissements aux sociétés occidentales
Il met en garde contre l’aveuglement volontaire de certaines élites et contre le laxisme des politiques d’intégration. Pour lui, ne pas nommer les choses, c’est les renforcer. Il appelle à une vigilance démocratique, respectueuse des droits de l’homme mais ferme contre les idéologies totalitaires.
Ses positions controversées
Réception de son travail en France
Gilles Kepel ne laisse personne indifférent. Ses livres se vendent bien, ses conférences font salle comble, mais ses analyses divisent. Certains y voient une lecture lucide et courageuse, d’autres un discours stigmatisant. Dans le monde politique, il est tantôt encensé, tantôt rejeté.
Critiques dans le monde académique
Plusieurs chercheurs lui reprochent un manque de nuance ou une approche trop sécuritaire. Certains préfèrent insister sur les discriminations sociales plutôt que sur les facteurs religieux. Ces divergences illustrent les tensions au sein même des sciences sociales sur l’islam en Europe.
Débats autour de l’islamophobie
Kepel refuse le terme d’“islamophobie” tel qu’utilisé aujourd’hui, qu’il voit comme une arme pour interdire la critique de l’islamisme. Cela lui a valu de vives critiques, notamment de la part de collectifs militants et d’associations antiracistes. Mais il maintient sa position : combattre l’islamisme, ce n’est pas être contre l’islam.
L’impact de Gilles Kepel sur le débat public
Présence dans les médias
On le voit souvent sur les plateaux de télévision, on l’entend à la radio, on lit ses tribunes dans les grands journaux. Il fait partie de ces intellectuels médiatiques qui façonnent l’opinion. Qu’on l’apprécie ou pas, on ne peut ignorer sa voix dans le paysage médiatique français.
Influence politique et géopolitique
Ses analyses sont régulièrement sollicitées par des décideurs politiques, en France mais aussi à l’étranger. Il a conseillé plusieurs ministres, a été invité par le Parlement européen, et participe à des colloques de géopolitique. Il contribue à orienter certaines politiques de sécurité et d’intégration.
Pédagogue auprès des jeunes chercheurs
En tant que professeur à Sciences Po et ailleurs, Kepel forme une nouvelle génération de chercheurs. Il encourage une approche de terrain, exigeante et rigoureuse. Pour lui, comprendre les réalités locales est la clé pour éviter les caricatures.
Conclusion
Gilles Kepel est bien plus qu’un simple universitaire. C’est un éclaireur, un décodeur, un analyste du réel. Sa parole, même contestée, invite au débat. Dans un monde où les crispations identitaires explosent et où les amalgames guettent, sa voix compte. Qu’on partage ses vues ou non, on ne peut nier l’impact de ses idées sur notre manière de penser le monde contemporain.
FAQ
Gilles Kepel est-il islamophobe?
Non, il critique l’islamisme radical, mais il insiste sur la distinction entre islam et islamisme. Il défend la liberté de culte et la laïcité.
Pourquoi ses livres font-ils autant polémique?
Parce qu’ils abordent des sujets sensibles comme le terrorisme, le salafisme ou les banlieues. Ses prises de position tranchées suscitent souvent des débats passionnés.
Est-ce qu’il est encore enseignant?
Oui, il enseigne notamment à Sciences Po Paris et continue de diriger des recherches sur l’islam politique.
Est-il le seul à analyser l’islam en France?
Non, d’autres chercheurs comme Olivier Roy ou Franck Frégosi proposent des analyses différentes. Il existe un vrai pluralisme dans ce domaine.
Peut-on lire ses livres sans être expert?
Oui ! Kepel écrit de manière accessible. Ses ouvrages mêlent rigueur académique et clarté, parfaits pour toute personne curieuse de comprendre l’actualité.